Tuesday, December 18, 2007

"Enfer n'existe pas."

drawing by marguerita
l'exposition de la BN n'est pas une simple juxtaposition d'oeuvres érotiques plaisantes ou humoristiques, naïves ou graveleuses, anonymes ou signées de noms illustres - Félicien Rops, Hokusai, Masson, Bellmer ou Cocteau. C'est aussi un moment d'histoire littéraire et sociale qui est raconté en trois épisodes.La première partie est placée sous le signe du personnage de roman. Au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle, l'auteur, menacé d'emprisonnement pour atteinte aux bonnes moeurs si son identité est dévoilée, écrit sous pseudonyme. Le héros, qui est souvent une héroïne, tient donc la première place. Dom Bougre, Félicia, Fanny, et surtout Thérèse (Thérèse philosophe, du marquis d'Argens), qui ne perd sa virginité et n'atteint au plaisir qu'après avoir dévoré une bibliothèque érotique, en sont les personnages emblématiques. "La langue des auteurs est souvent de qualité, indique Marie-Françoise Quignard. Il peut s'agir de romans d'éducation ou de pamphlets anticléricaux. Même blasphématoire, l'humour est toujours présent." Avec Sade et le XVIIIe siècle finissant, on quitte le registre de la pure jouissance pour celui de la gravité et de la cruauté. L'humour tourne au noir.

En matière d'érotisme, le siècle suivant appartient aux éditeurs, clandestins, bien sûr. La demande est forte, la censure beaucoup plus sévère. La Belgique devient une terre d'accueil pour les "libraires licencieux". Auguste Poulet-Malassis, qui publia Les Fleurs du mal, s'exile à Bruxelles pour mieux diffuser Les Epaves, les poèmes de Baudelaire condamnés par la justice française. L'apparition de la photographie ouvre aux images érotiques un autre champ - infini.

La troisième partie de l'exposition, le XXe siècle, est consacrée aux auteurs. Ils sortent du bois et publient sous leur nom ou sous des pseudonymes transparents pour les amateurs : Apollinaire et ses Onze Mille Verges, Pierre Louÿs et Trois filles de leur mère, Aragon et Le Con d'Irène, Georges Bataille et Histoire de l'oeil, Jean Genet et Querelle de Brest. C'est l'époque des derniers combats menés par les tribunaux. Même si Bernard Noël (Le Château de cène, 1969) et Pierre Guyotat (Eden, Eden, Eden, 1970) voient encore leurs livres saisis ou interdits à la vente aux mineurs, il s'agit de réactions d'arrière-garde. Et Sade, publié en livre de poche, entre dans la "Bibliothèque de la Pléiade". L'enfer ne sent plus le soufre, il est imprimé sur papier bible.


"L'Enfer de la Bibliothèque. Eros au secret", Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, quai François-Mauriac, Paris-13e. Tél. : 01-53-79-59-59. Du mardi au samedi de 10 heures à 19 heures, le dimanche de 13 heures à 19 heures. Du 4 décembre au 2 mars 2008. De 5 € à 7 €.
Catalogue sous la direction de Marie-Françoise Quignard et Raymond-Josué Seckel, BNF, 464 p., 150 ill., 38 €.
Emmanuel de Roux

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